Mestral (famille de)

 

Données de base

IdentifiantMestral (famille de)
 

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Zone d'identification

Type d'entité:Famille
Forme(s) autorisée(s) du nom:Mestral (famille de)

Zone de la description

Histoire:Section I: Famille de Mestral:

Le nom de Mestral désigne plusieurs familles vaudoises, nobles ou bourgeoises, qui tirent leur nom de leur emploi primitif. Cette charge de mestral consistait notamment, à l'époque, à percevoir pour le compte du seigneur certaines redevances et corvées qui lui étaient dues. Une partie en allait au Sire de Vaud, et une autre restait au mestral. Sous le régime communal, le mestral contrôlait les mesures pour les graines, le vin, l'huile, comme aussi les poids et les aunes. Le présent fonds concerne exclusivement les Mestral, originaires de La Côte, nullement la famille de Mestral de Rue, de Payerne ou de Combremont.

La famille de Mestral remonte, par titres authentiques, à l'année 1306. A cette date, Louis II de Savoie, Sire de Vaud, par acte fait à Prangins le 21 mai, donne à Pierre, fils de feu Estienne de Mont, dit de Layderrier, vivant en 1248, en échange de ses francs alleux désormais soumis à fief, et en récompense de ses bons services, la mestralie dans tout le mandement de Mont-le-Vieux, c'est-à-dire sur toute la Côte jusqu'à Begnins et sur le plateau de Gimel.

Les alleux que Pierre remettait à Louis de Savoie étaient des terres patrimoniales tenues par droit héréditaire et ne dépendant d'aucun autre seigneur. En rendant ces alleux à Pierre sous forme de fief sous hommage lige, le Sire de Vaud lui en retransmettait la jouissance totale, mais à charge pour Pierre de fidélité et de service à lui seul, en particulier de service armé.

Au bout de quelques années, le nom de la charge devint le nom de famille.

Dès 1306, la fortune de la famille grandit d'une manière rapide: les Mestral ont acquis, par mariage, achat, héritage ou échange, de nombreuses terres, seigneuries ou co-seigneuries, qu'ils ont conservées pendant plusieurs siècles. C'est ainsi que le château de Vincy est demeuré dans la famille de 1306 à 1718, soit pendant douze ou treize générations, la seigneurie d'Arruffens, près de Romont, pendant quatre siècles, soit de 1474 à 1840, date de l'abolition des droits féodaux dans le canton de Fribourg, la seigneurie d'Outard de 1542 à 1768, soit plus de deux siècles, Coinsins de 1546 à 1707, Pampigny de 1560 au début du XXème siècle. Le château de Vullierens fut bâti pour Gabriel-Henri Ier tout au début du XVIIIème siècle; celui de Saint-Saphorin-sur-Morges échut par héritage en 1727. La maison d'Aspre à Aubonne fut acquise en 1701; le château d'Etoy, échangé avec celui de Coinsins en 1806, est encore entre les mains de la famille, comme la Maison Blanche, à Mont, acquise en 1526, soit encore sous le régime savoyard. C'est la plus ancienne propriété parmi celles que la famille a encore aujourd'hui.

Cette politique d'agrandissement territorial est allée tout naturellement de pair avec une série d'alliances assez brillantes pour l'époque, avec d'anciennes maisons féodales, comme les Colombier, Gingins, Clarmont, Neuchâtel, Praroman, Allinges, Pesme. La plupart de ces familles sont éteintes aujourd'hui.

A côté de cet attachement à la terre, qui est certainement le trait le plus constant de la famille, les Mestral ont toujours eu, dès l'origine, un goût prononcé pour le métier des armes.

On en trouve en effet dans tous les pays et sur la plupart des champs de bataille d'Europe, au service de France, du Piémont, du Portugal, de Saxe, de Russie, de Bavière, de Naples, d'Angleterre, des Pays-Bas ou de Pologne. Capitaines ou majors, colonels ou officiers généraux, ils s'en revenaient... ou non, car le service militaire à l'étranger a toujours fait une grande consommation d'officiers et de soldats.

Parmi ces militaires souvent aventureux et bagarreurs, il en est trois au moins auxquels il convient de réserver une place à part:

Jean, chevalier "miles" en 1361 (le seul dont cette qualification soit prouvée par titres). Il avait épousé en secondes noces la fille de François de la Sarra, bailli de Vaud. Puis un autre Jean, né en 1488, seigneur d'Arruffens et de Vincy, chef d'une compagnie de 500 hommes pour le compte du roi François Ier en 1521. C'est avec ces 500 Vaudois qu'il a participé à la bataille de la Bicoque, près de Milan, en 1522. Membre de la confrérie des Gentilshommes de la Cuiller, il dut payer une rançon de 300 couronnes d'or pour être resté fidèle à son prince savoyard, lors de la conquête bernoise en 1536. Enfin, Antoine, dit Louis, né en 1650, commandant du régiment de Mestral au service d'Angleterre et de Hollande. Le régiment prit part, entre autres, à la bataille de Malplaquet, en 1709.

En regard de ces militaires, un diplomate de carrière, le seul de la famille. Petit-fils du général de Pesme, qui avait été comme on sait ambassadeur d'Angleterre à Vienne, Armand François Louis de Mestral, dit M. de Saint-Saphorin, devait représenter le roi de Danemark successivement à Dresde, Varsovie, Moscou, Madrid, La Haye et Vienne, au XVIIIème siècle. Il était chevalier des Ordres de l'Aigle Blanc et de Saint-Stanislas.

Autre trait marqué dans la famille: les vocations religieuses. Au XVème siècle déjà, on trouve un Antoine Mestral, tour à tour prieur de Saint-Jean, à Grandson, abbé de Saint-Jean de Cerlier, prieur de Cluny et moine à La Chaise-Dieu, en Auvergne. A peu près en même temps, Amédée sera tour à tour prieur de Broc, en Gruyères, puis de Rueggisberg, au canton de Berne, et vicaire amodiataire de l'Abbaye de Payerne. Entre le XVIIIème siècle et le XXème siècle, on voit éclore une série de vocations religieuses. Henri Georges tout d'abord. Vers la fin de l'Ancien Régime, il occupe passagèrement le château de Lucens, en qualité de capitaine des troupes levées pour combattre la révolution et l'invasion étrangère. Il ne sera pas plus heureux, lorsqu'à la chute de Napoléon, il remplira une mission auprès des alliés au nom de l'aristocratie vaudoise. Homme d'action, allant volontiers à contre-courant, il atteindra le grade de lieutenant-colonel dans l'armée fédérale. Cela ne l'empêchera pas d'être un adepte fervent de l'Eglise libre du canton de Vaud, dès sa fondation en 1845. Son toit hospitalier de la maison d'Aspre, à Aubonne, servit longtemps de lieu de culte pour la région. De son côté, Charles Henri Salomon, après avoir participé à la campagne de 1815 au service de la Russie et s'être engagé ensuite au service de la Bavière, rentre au pays, s'installe au château de Vullierens et se consacre dès lors au mouvement religieux connu sous le nom de "Réveil". A signaler encore dans la branche aînée, Philippe, pasteur au Brassus, dans la Vallée de Joux. Il fut un partisan de la fusion des églises nationale et libre sous le nom d'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud.

La branche cadette d'Etoy a fourni, elle, plusieurs générations de Ministres du Saint-Evangile, pour reprendre ici l'ancienne appellation. Armand tout d'abord, cet ancien élève de Toepffer, avec lequel il a participé aux fameux "Voyages en zigzag". Tout d'abord partisan du Réveil religieux au canton de Vaud, il se rapprochera avec le temps de l'Eglise anglicane et se fera finalement inscrire comme membre du Corps pastoral vaudois (Eglise nationale). Esprit oecuménique et indépendant, il était attiré par l'idée du rapprochement entre les diverses églises chrétiennes (protestante, romaine et orthodoxe). Si ses premières brochures écrites dans ce sens ont rencontré une forte opposition, il a publié, en 1870, un ouvrage intitulé "Tableau de l'Eglise chrétienne", qui paraît avoir éveillé l'intérêt de nombreux connaisseurs, du comte de Montalembert en particulier, le brillant champion du catholicisme libéral, avec lequel il a entretenu une longue et fidèle correspondance. Armand de Mestral s'est éteint au château d'Etoy, où il s'était retiré.

Un de ses fils, Armand lui aussi, a déployé une grande activité pastorale et sociale en France et en Suisse romande. A son tour son fils Claude et son petit-fils Patrice se sont engagés dans la carrière pastorale.

Un trait nouveau dans les annales de la famille: l'importance croissante des professions libérales et scientifiques. Des ingénieurs, des juristes, des médecins prennent la relève des anciens militaires. Songeons notamment à Laurent de Mestral (1941-....), docteur en droit, avocat, juge cantonal, président de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, et, surtout, George de Mestral (1907-1990), ingénieur diplômé de l'EPUL à Lausanne, inventeur de la fermeture Velcro qui a fait le tour du monde, et a tapissé l'intérieur des cabines des cosmonautes qui se sont posés, en 1969, pour la première fois, sur la lune.

Depuis peu de temps, on assiste à la dispersion croissante de la famille. Si l'on trouve heureusement encore un certain nombre de Mestral au Pays de Vaud, plusieurs se sont établis sous d'autres cieux, au Canada, en Afrique du Sud et surtout au Paraguay.


Section II: famille de Pesme de Saint-Saphorin

Tout le fonds de la famille de Pesme de Saint-Saphorin est organisé autour de la personnalité de François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin. En effet, seule la première subdivision du fonds, celle qui porte la cote A, et quelques éléments isolés des subdivisions C, comportent des documents généraux sur la famille de Pesme de Saint-Saphorin, des documents antérieurs et postérieurs à la durée de vie de François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin.

Biographie de François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin:

Généralités

Le lien entre la famille de Pesme et la terre de Saint-Saphorin remonte à la fin du XVIème siècle, à la suite du mariage d'André de Pesme (1568-1609) avec Elisabeth d'Allinges, héritière de Vullierens, Beauregard et de Saint-Saphorin.

La famille de Saint-Saphorin tire son nom de la possession dès avant 1218 du territoire, à La Côte, de Saint-Saphorin; ses représentants sont des hobereaux de campagne, issus du sol, vignerons et agriculteurs, devenus guerriers et diplomates par la force des choses. Elle s'éteignit au XVIème siècle.

La famille de Pesme apparaît à Genève, vers le milieu du XIVème siècle; elle y devint rapidement une des familles les plus distinguées de la ville lémanique.

François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin naquit à Saint-Saphorin, dans la maison familiale, en février 1688. Il fut un militaire et un diplomate distingué, au service des puissances étrangères.

Il épousa en février 1696 noble Esther Darbonnier, d'Orbe, fille de noble Jean, seigneur de Dizy, et de Judith Rolaz, morte le 5 mai 1755. Le couple eut deux enfants: Judith-Louise, née le 31 janvier 1701 et morte le 12 septembre 1745, dont le mari fut Gabriel-Henri de Mestral (25 juillet 1698 - 16 mars 1772); et François-Louis (29 janvier 1709 - 16 février 1732), époux de Marguerite Ligonnier du Buisson, née en 1717 et décédée en 1789.

Après avoir occupé des fonctions de premier plan pour la cour impériale d'Autriche et la cour d'Angleterre, il se retira en 1724 à Saint-Saphorin dont il rebâtit le château; il y mourut le 16 juillet 1737.

Il est à noter que ses origines vaudoises lui occasionnèrent le refus de LL.EE. de Berne de reconnaître la proposition du roi d'Angleterre, Georges Ier, de nommer François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin, comme ministre d'Angleterre auprès du Corps helvétique; les cantons catholiques et de Berne rejetèrent sa candidature; les autorités bernoises que François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin avait pourtant servies dans les années 1712-1714, "jugeant que le tire d'ambassadeur d'un monarque étranger, en Suisse, était incompatible avec celui de sujet et vassal des seigneurs de Berne".

Portrait de François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin:
"François-Louis de Pesme, dont la famille était apparue à Genève vers la fin du XIVème siècle, vit le jour, en 1668, au château de Saint Saphorin sur Morges, vieille seigneurie féodale que son aïeul avait acquise par le mariage. Le gouvernement de Leurs Excellences de Berne excluait ses sujets vaudois des charges de l'Etat où leurs talents eussent pu aisément se manifester. Comme tant de jeunes gens de sa condition, François-Louis, à peine sorti de l'enfance, quitta le pays natal pour entrer au service d'un prince étranger. Son éducation strictement huguenote jointe aux souvenirs d'une jeunesse toute nourrie de récits de réfugiés, orientèrent son esprit et sa destinée vers une haine lucide de la France et vers une opposition irréductible à la politique bourbonienne. Entré comme cadet dans un régiment de Brunswick-Lunebourg détaché en Hollande, Saint Saphorin revient au pays après dix-huit mois d'une vie qui ne convenait nullement à sa nature. L'atavisme des Pesme, vieille famille de diplomates et d'hommes d'Etat, combattait encore celui des sires de Saint Saphorin, hobereaux de campagne à la vie rude qui avaient dû se frayer leur chemin par les armes et faire fructifier à force de travail la place honorable qu'ils occupaient au soleil. Aussi François-Louis rejoignit-il, vers 1690, à Cassel, un sien cousin qui exerçait à la cour de Hesse les fonctions de premier majordome du landgrave et de gouverneur du prince héritier. C'est certainement dans ces années qu'il faut placer l'initiation de Saint Saphorin à la diplomatie et aux intrigues de la vie publique. Ses débuts empreints encore d'une vivacité juvénile, firent présager d'emblée un bel avenir. Mais où pouvait-il bien mettre en valeur ses précoces qualités ? Le hasard d'une rencontre l'engagea dans une aventure qui dura les huit meilleures années de sa jeunesse. Capitaine de vaisseaux sur le Danube était un pis-aller pour un noble vaudois. Mais Saint Saphorin, qui avait besoin d'agir pour affirmer sa personnalité, pour réaliser pleinement ses moyens, se montra suffisamment souple pour s'adapter à cette situation et assez fort pour la dominer. Il s'imposa par son esprit délié et sa franchise aux principaux officiers et aux ministres de la Cour. Il eut quelques protecteurs et beaucoup d'ennemis. Les difficultés, même insurmontables, stimulaient sa nature volontaire. Il fuyait l'inaction et l'incertitude comme les plus grands des maux. Son bon génie lui fit rencontrer alors le prince Eugène de Savoie, étranger lui aussi parmi ceux dont il défendait la cause, Français de langue et portant au coeur l'inguérissable blessure de l'exil infligé par le roi de France. Leur affinité de caractère rapprocha le Savoyard du Vaudois et ils se lièrent d'amitié. La paix de Carlowitz ayant mis fin à la guerre contre les Turcs, et la flotte étant devenue inutile, le vice-amiral qui avait montré un si grand zèle à servir l'empereur, fut transféré dans la diplomatie grâce à l'appui de ses amis influents. Il avait enfin trouvé sa voie.
Saint Saphorin fut, dès lors, au service de l'empereur: de 1701 à 1706, dépendant de l'ambassadeur, en qualité de subdélégué auprès des Cantons réformés, et dès 1706, en qualité de chargé d'affaires impérial. L'électeur palatin, investi, après Höchstädt et la destitution de Max Emmanuel, d'une partie du territoire bavarois, fit de Saint Saphorin son résident en Suisse. En 1707, le roi de Prusse le prit momentanément à son service pour l'affaire de Neuchâtel. Le duc de Wurtemberg et le landgrave de Hesse-Cassel l'avaient également chargé de la défense de leurs intérêts auprès du Corps helvétique; le duc de Savoie le consultait comme un conseiller intime. Aussi, n'est-il pas exagéré de dire que la cause des Alliés, en Suisse, n'eut pas d'avocat mieux au courant de la situation générale que Saint Saphorin. Les services qu'il rendit à la reine Anne, dès le début de sa carrière, furent récompensés en 1716, lorsque Georges Ier le nomma ministre plénipotentiaire de Grande-Bretagne à la cour impériale.
[...]
Deux choses sont à considérer: ses qualités et dispositions natives et, d'autre part, les obstacles que suscitaient au libre épanouissement de son être le milieu et le moment où il vit le jour. Le conflit intérieur qui en fut la conséquence détermina la nature de ses idées, son système politique et son oeuvre tout entière.
Chez certains hommes, la clarté d'esprit est le résultat d'un travail, d'une élaboration plus ou moins volontaire; ces hommes-là n'appartiennent pas au premier ordre de grandeur; chez d'autres, au contraire, beaucoup moins nombreux et formant l'élite de l'intelligence, la netteté de vue est immédiate, quel qu'en soit l'objet. Saint Saphorin appartenait à cette catégorie d'esprits. Bien qu'il fût porté, par son tempérament, à la dialectique, il pensait par ellipses et concevait intuitivement les choses; mais ce qui caractérisait avant tout son esprit - et même les graphologues que nous avons consultés à ce sujet nous l'ont confirmé - ce fut une lucidité intellectuelle incomparable, jamais obnubilée par les difficultés que lui suscitait le destin. Ses ennemis s'étonnaient de son habileté à déjouer leurs plans par des combinaisons imprévues qu'il concevait et exécutait avec une égale rapidité. Il n'avait qu'à puiser dans le riche fonds d'une imagination créatrice qui ne le laissait jamais à court pour tirer parti d'un événement nouveau. Sans être avant tout un opportuniste, il sut tirer parti des circonstances, mais il sut encore mieux les provoquer, les amener à coïncider avec ses plans et ses projets à longue échéance. Il dompta le destin comme un cavalier maîtrise un cheval rebelle. Toute ces qualités, jointes à la politesse de ses manières et à son irrésistible forme de persuasion, le prédestinaient à devenir un personnage de premier plan. Des circonstances défavorables lui firent jouer un rôle secondaire, du moins tant qu'il vécut en Suisse, ses origines l'empêchant d'obtenir une fonction publique. Constant objet de la jalousie des Bernois, il dut céder le pas, au pays comme à l'étranger, aux bourgeois de la capitale. Il avait tout pour faire des grandes choses; seul lui manquait le pouvoir de les accomplir. La volonté et la puissance ne furent donc pas à égalité chez lui et sa veine tentative de s'élever à la hauteur de son mérite intrinsèque confère à son existence un caractère pathétique. Mais à force de calcul et de volonté, il réussit à diminuer cette disproportion due au hasard de sa naissance. Le fait que Saint Saphorin ait été partout étranger le priva de cette efficacité véritable dont l'absence précisément le singularise. Dès son jeune âge, il fut possédé par un sentiment de solitude et d'isolement moral dont la cause complexe doit être recherchée dans la conscience qu'il a d'être une exception. Et cependant il personnifie et incarne jusque dans les fibres les plus intimes de son être, une classe sociale qui, à l'époque où il vivait, débordait les frontières et rapprochait encore les nations: la noblesse féodale. Sa réaction contre le despotisme de Louis XIV n'est pas celle d'un révolutionnaire, mais elle se rattache, abstraction faite du motif religieux, au mécontentement général des nobles qui, de la Fronde à la Révolution, considéraient pour le moins consciemment la monarchie absolue comme ennemie de leur caste et lui en voulaient de les avoir abaissés à un rôle purement figuratif.
Saint Saphorin se livra sans réserve et sans compromis, avec une sorte de fanatisme oublié, à l'accomplissement de son devoir: défendre la cause alliée et combattre en toute occasion l'insolence française. Il y mit toute l'ardeur de son tempérament généreux et intransigeant qui donna cette couleur passionnée et cet accent de violence à son animadversion contre Louis XIV et à sa partialité pour l'Empire. L'action (et nous entendons par là le dosage des moyens employés pour atteindre un but, ces moyens restant toujours chez Saint Saphorin, de la plus pure distinction), fut le grand bienfait de sa vie, en l'obligeant à se distraire de la contemplation de soi-même qui l'eût incliné à la mélancolie. Au contraire, il ne se départit pas avec l'âge de son humeur entreprenante et de sa fraîcheur d'idées; jamais le découragement n'effleura son âme. Les lettres écrites au moment de ses plus grandes déceptions conservent toujours, à côté d'un certain dépit satirique, un inaltérable optimisme. Il y a dans son visage beaucoup de passion contenue et dissimulée sous une réserve de grand style et une dureté apparente.
Il était orgueilleux mais non vaniteux, il se suffisait à lui-même et n'avait pas besoin des autres. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles Saint Saphorin ayant pris une fois pour toute la mesure de sa propre grandeur, s'en contenta".
Extrait de Saint Saphorin et la politique de la Suisse pendant la Guerre de Succession d'Espagne (1700-1710), par S. Stelling-Michaud, docteur ès lettres, Villette-les-Cully, 1935, pp. 4-8 (La carrière diplomatique de François-Louis de Pesme, seigneur de Saint Saphorin, vol. 1).


Section III: famille de Saint-George

Originaire du Poiteau où elle est attestée dès 888, la famille de Saint-George se divise en plusieurs branches. (Notons celle des marquis de Saint-George de Vérac dont un membre fut ambassadeur en Suisse de 1789 à 1791). La branche qui intéresse le Pays de Vaud est la branche dite de Marsay; ayant adhéré à la Réforme, elle lui reste fidèle lors de la Révocation de l'Edit de Nantes en 1685. Armand-Louis de Saint-George, comte de Marsay, quitte la France vers 1715 et est chargé par le roi George Ier d'Angleterre de le représenter auprès de la République de Genève et du Corps helvétique dès 1717. Il s'intègre à notre pays en vendant ses biens situés en France, en demandant et obtenant la citoyenneté de Genève, en épousant en deuxième noces Henriette de Mestral (1724) et en acquérant la seigneurie de Changins (1730).

Ses deux fils entrent au service de Hollande. L'aîné, Gabriel-Louis de Saint-George, comte de Marsay (1727-1801), devient maréchal de la Cour du Prince d'Orange, achète la seigneurie de Duillier en 1775. Il meurt sans postérité. Le cadet, Henri-Auguste, comte de Saint-George (1728-1809) fait l'acquisition de la seigneurie de Chardonnay.

Les deux fils que lui donne Gabrielle de Mestral entrent aussi au service de Hollande. Si le cadet meurt dès 1794, à la suite de la bataille de Landrecies, l'aîné, Gabriel-Henri (1770-1826) peut entrer dans le "Corps helvétique" qui combat les Républiques française et helvétique sous l'autorité de la Grande-Bretagne. Il rentre au pays en passant par l'Angleterre où il épouse Caroline, fille de l'amiral Philip de Carteret.

Alexandre de Saint-George (1807-1870) obtient un doctorat en droit de l'Université de Leyde. Au cours de ses études, il est engagé volontaire lors de la guerre qui oppose les Pays-Bas à la Belgique. Juge au Tribunal de Nyon, il démissionne lors de la crise religieuse de 1845 et partage dès lors sa vie entre Nice et le canton de Vaud, écrivant divers opuscules théologiques et se dévouant pour diverses oeuvres d'évangélisation.

William de Saint-George (1841-1915), fils d'Alexandre, est ingénieur, officier à l'état-major général, et député au Grand Conseil du canton de Vaud. Il meurt sans laisser de postérité.


Section IV: famille Carteret

Implantée dans l'île de Jersey dès le Moyen-Age, la famille de Carteret y joue toujours un rôle important puisque la fonction de bailli lui semble réservée. Elle paraît avoir été généralement estimée puisque l'on peut lire dans le Jersey Loyalist du 7 août 1826 (N° 211): "We would have rejoiced to see the office of bailli continued in the noble famille of De Carteret". Lors de la Guerre civile, la famille fut longtemps fidèle aux Stuart puisque nous voyons Amice de Carteret rendre hommage à Charles II en 1659 cependant que Sir George Carteret tient le Fort-Elisabeth avec une troupe royaliste jusqu'à la fin de 1651.

La famille de Carteret se divise en plusieurs branches dont l'une a donné John Carteret (1690-1763) qui dirigea le ministère de 1743 à sa mort et fut créé comte Granville en 1744. Ce fonds est consacré surtout à la branche des Seigneurs de la Trinité dont le membre le plus éminent fut l'amiral Philip de Carteret. De 1766 à 1768, alors qu'il était capitaine de la Swallow, il découvrit de nombreuses îles du Pacifique, dont l'archipel qui porte maintenant son nom, dans les Iles Salomon. Egalement engagé dans la Navy, son fils le capitaine Philip de Carteret-Silvester mourut sans postérité en 1818.

L'amiral n'eut de descendants que par sa fille, Caroline de Carteret, épouse de Gabriel-Henri de Saint-George et sa petite-fille Augusta-Henrietta, épouse d'Albert de Mestral.

Informations internes des archives

Code d'identification:[00424]

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