En 4 ans on prend racine

 

Données de base

IdentifiantEn 4 ans on prend racine
 

Infos de prov.

Zone d'identification

Type d'entité:Collectivité
Forme(s) autorisée(s) du nom:En 4 ans on prend racine

Zone de la description

Dates d'existence:Dès 2000
Période d'existence:de 2000
Histoire:"De la guerre de l'OTAN à la phase des renvois forcés

En 1999, la Kosovë apparaît dans les médias au grand jour avec la guerre de Milosevic et surtout l'intervention armée de l'OTAN. De nombreuses personnes kosovares quittent leur pays, certaines cherchent à rejoindre leurs familles en Suisse. Un grand mouvement de sympathie naît alors dans la population suisse à la suite des images d'exode. L'administration reste imperturbable, essaie par tous les moyens de limiter le nombre de réfugié-es et n'accorde que très tardivement une admission provisoire collective (qui permettra aussi un renvoi collectif). Dès la fin de la guerre, le gouvernement suisse s'empresse de préparer le renvoi massif des Kosovar-es qui ne doivent en aucun cas "s'incruster". Un plan en trois phases est alors mis sur pied. Une aide financière modique est allouée aux retours volontaires des deux premières phases. Une grande partie des personnes kosovares arrivées dans la dernière vague d'immigration repart. Les choses se compliquent pour la troisième phase, celle des renvois forcés qui commence officiellement le 31 mai 2000 et qui concerne environ 25'000 personnes dont 3'000 dans le canton de Vaud. Certaines sont en Suisse depuis quatre à quatorze ans, y ont reconstruit leur vie et pour elles, un retour n'est pas envisageable. Elles ont alors décidé de se battre, et c'est ainsi qu'est né le mouvement "En quatre ans on prend racine", qui concerne 170 personnes.

Les conditions d'émergence du mouvement

L'improbable mouvement qui naît alors a été rendu possible par différents facteurs. Le fait qu'il ait lieu dans le canton de Vaud n'est sans doute pas un hasard. C'est parce que ce canton comptait le plus de travailleurs kosovars que sont venus le plus de personnes réfugiées de la Kosovë cherchant refuge auprès des membres de leur famille. Le fait de disposer tous de la même date limite pour partir les a peut-être aidé, paradoxalement, à se penser de manière collective en raison du destin communqui les attend toutes et tous. C'est aussi un canton qui a vu un mouvement de soutien aux ex-saisonniers de l'ex-Yougoslavie devenus sans-papiers obtenir des papiers en 2000 après une longue bataille de plusieurs années. C'est aussi un canton qui connaît une gauche et une extrême-gauche combative et qui bénéficie en outre d'une structure exceptionnelle comme le SAJE (Service d'aide juridique aux exilé-es). Ce dernier est né il y a quelques années du regroupement d'associations politiques et religieuses se battant sur le terrain de l'asile. Grâce au travail de juristes et de bénévoles, ce centre permet de défendre juridiquement les débouté-es de l'asile. Presque tous les Kosovar-es du mouvement y ont des dossiers. C'est aussi en voyant que les recours individuels ne suffisaient plus pour éviter les renvois qui s'annonçaient que SOS-Asile, une des associations membres du SAJE va lancer le mouvement "En 4 ans on prend racine" à la demande des personnes kosovares elles-mêmes. C'est enfinun canton qui a connu une occupation d'église une quinzaine d'années auparavant, dans le même quartier de Bellevaux, et qui justement avait donné naissance à SOS-Asile. L'énergie de la coordinatrice du mouvement, Sandra, n'a pas été non plus étrangère à la possibilité de cette histoire.

Une première réunion en mars 2000 réunit un nombre incroyable de requérant-es d'asile, en raison de la menace de renvoi qui pèse sur elles et eux. Une pétition est lancée et déposée le 16 juin 2000 au Conseil d'Etat avec le soutien de plus de 4'000 signatures. Le mouvement devra toutefois attendre plus d'une année pour recevoir une simple réponse à ses courriers de la part du Conseiller d'Etat libéral Claude Ruey en charge du dossier. En novembre 2000, le Parlement vaudois reçoit favorablement une seconde pétition et soutient les revendications, mais sans effets sur le gouvernement. A partir de la date fatidique du 31 mai, les Kosovar-es ne disposent, comme pièce d'identité, que d'un bout de papier où figure la date butoir de leur départ de Suisse, date qui est tracée à chacune de leurs visites au Service de la Population (SPOP) et prolongé de manière aléatoire entre 5, 10 ou 25 jours. Durant l'hiver 2000-2001 se met en place un système d'accompagnement pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'arrestation dans les locaux de l'administration au moment de la prolongation des délais de départ. Des assemblées générales hebdomadaires du mouvement sont l'occasion de procéder à l'analyse politique de la situation, mais également d'approfondir de forts liens d'amitiés. Des actions s'organisent et un stand au marché est mis sur pied. Une brochure racontant leurs trajectoires et leurs raisons de vouloir rester en Suisse est distribuée. La pression se fait néanmoins de plus en plus forte sur le mouvement. Les plans de vol commencent à pleuvoir. Les menaces de mise sous mesure de contrainte se précisent (arrestation policière et incarcération pour assurer l'expulsion du territoire helvétique etéviter que le ou la débouté-e de l'asile ne se présente pas à l'aéroport et entre en clandestinité). Un Kosovar du mouvement est arrêté sur son lieu de travail en mars 2001 et expulsé avec toute sa famille.


L'aventure humaine du refuge

En raison du silence du gouvernement et de l'extrême rigueur de son administration, le mouvement se trouve face à une impasse. La seule solution, très risquée, c'est l'occupation d'un lieu symbolique de refuge pour les Kosovar-es directement menacé-es par un plan de vol. Le souvenir du mouvement des sans-papier-es français qui ont occupé l'église de St-Bernard en France en 1996 est encore très présent dans les têtes et aide à se dire que c'est possible! Dans les jours qui précèdent le refuge, toutes les avancées que le refuge a permis par la suite nous semblent encore utopiques. Le 25 avril 2001, premier jour de l'occupation de la salle de paroisse de Bellevaux, c'est un peu la surprise de constater que l'église est pleine de monde et que la presse est là. On sent qu'il y a là une énergie incroyable qui va être utile tout au long de ces quatre mois. Les personnes suisses de soutien présentes viennent d'horizons assez différents. On y trouve quelques politicien-nes connu-es, mais avant tout des militant-es de base, zapatistes, libertaires, féministes, socialistes, communistes, écologistes, des humanitaires, des chrétien-nes de gauche, des artistes, des étudiant-es, des agriculteur-trices, des retraité-es, des ami-es de Kosovar-es, des non affilié-es, etc. Tout ce petit monde va former un noyau dur d'une trentaine à cinquantaine de personnes, entourées d'un réseau plus large mais plus épisodiquement présent. Toutes les personnes kosovares du mouvement participeront également très activement aux assemblées générales et aux différentes tâches que génère le refuge. Pour protéger le refuge de toute action policière, il y aura durant toutes les126 nuits entre 3 et cinq personnes qui y dormiront. De nombreux gestes de solidarités de la part de Suisse-sses pas forcément politisé-es se manifesteront tout au long de cette occupation. Des fleurs, de la nourriture, des lettres, un soutien financier exceptionnel de toute la Suisse seront autant de signes qui apporteront du courage aux neuf occupant-es qui se sont ainsi privé-es de leur liberté pour éviter leur renvoi. Le 1er mai, des 20 km de Lausanne, du 1er août (fête nationale) et du Paléo à Nyon ont été l'occasion pour le mouvement et le refuge de secouer ce canton si paisible. De nombreux spectacles, concerts, conférences, films et activités pour les enfants ont en outre été mis sur pied. Les repas ont été l'occasion d'échanges interculturels, de confidences, d'analyses politiques et de découverte de la nourriture kosovare.
Dans les premiers temps du refuge, il y eut également de nombreuses réactions racistes immondes dans les médias envers ces "musulmans" qui occupent une église chrétienne. On resservit tous les clichés sur les Kosovars trafiquants de drogue que dix années de blochérisme et de racisme d'Etat ont largement banalisés. Très rapidement pourtant, ce discours s'est estompé au fur et à mesure que les Kosovar-es ont pu apparaître publiquement, parler avec leurs mots, dire leurs souffrances et leurs angoisses, dire qu'ils et elles ne veulent pas être jeté-es comme de vieilles chaussettes après tout ce qu'ils et elles ont subi, dire leurs espoirs, leurs craintes. Un des tournants du refuge a sans doute été lorsque Arjieta, une des femmes du refuge s'est exprimée dans le cadre d'une émission de télévision de grande écoute un dimanche matin. Même le Conseiller d'Etat vaudois Ruey et le représentant de l'administration fédérale, M. Gerber, n'avaient plus d'arguments pour répondre à la simple question : "Mais qu'est-ce qu'on vous a fait pour mériter ça, d'être traité comme ça ?". Quand Arjieta parle, la force de mots simples et vrais, qui lui rendent son humanité, suffit à ébranler l'édifice de la machine à exécuter les renvois. Cette "belle"mécanique repose justement sur une déshumanisation de l'étranger-e, réduit-e à un numéro de dossier dans un silence administratif où l'important n'est pas qui et où renvoyer, mais l'exécution efficace des renvois. Aucun des deux n'assumera la responsabilité d'un renvoi qu'ils étaient pourtant prêts à exécuter, sans le refuge. Face à un être humain en chair et en os, personne ne peut plus justifier l'injustifiable. Parfois des mots tout simples sont désarmants. Grâce à la solidarité qui est née autour du refuge, qui va des innombrables petits gestes concrets aux déclarations publiques des églises, des partis et des syndicats, mais à cause de l'autisme politique de nos autorités également, celui-ci s'est maintenu plus de quatre mois".

Une histoire encore à écrire ...

[...]

"Le mouvement a permis d'éviter le renvoi de quasiment tous ses membres. Pour une fois, nous assistons à un mouvement offensif de défense du droit d'asile et des migrant-es qui redécale l'échiquier politique(même très légèrement) sur sa gauche. Ce refuge a suscité une large prise de conscience et a posé le débat sur la place publique comme jamais auparavant, en montrant la population kosovare sous un jour beaucoup plus positif que les clichés racistes. Le refuge a été l'occasion d'une aventure humaine exceptionnelle avec toutes les rencontres et les découvertes que ce brassage a permises. Il a suscité de nombreuses discussions et prises de position, il a rencontré une grande sympathie dans la presse, il a permis à de nombreuses personnes de rencontrer directement les Kosovar-es du mouvement et de manifester leur soutien. L'exemple de cette occupation a également donné des idées, ouvert des possibles et montré que des occupations d'églises sont envisageables en Suisse. Cela a encouragé l'ouverture d'autres refuges qui ont éclos un peu partout en Suisse par la suite, donnant naissance à un large mouvement de sans-papiers qui ont ainsi fait leur coming-out public et a occupé une grande partie de l'agenda politique et médiatique de l'année 2001. Cette histoire n'est pas finie et la suite reste encore à écrire ..."

Yves Sancey, février 2002.
Membre de "En quatre ans on prend racine. Mouvement de refuge", texte publié dans Flagrant Délit, No 13, printemps 2002, et qui est repris sur le site Le Refuge du Mouvement "En 4 ans on prend racine", http://www.refuge-kosovo.ch/historique.html

"MISSION ACCOMPLIE : TOUS PERMIS OBTENUS !

Entre janvier et juin 2008, les 3 familles du Mouvement qui attendaient encore un permis l'ont reçu !

Ainsi, TOUS les membres du Mouvement EN 4 ANS ON PREND RACINE qui sont restés dans le canton de Vaud sont régularisés !

Au total 344 personnes (dont 183 enfants) sont ainsi légalement autorisées à construire leur vie dans notre pays !

C'est un succès ! La "solution humainement satisfaisante" promise par les autorités lors de la levée du Refuge de Bellevaux, le 28 août 2001, cette solution a finalement été trouvée ! Non pas "en 4ans" mais en 8 ans !"
(Extrait de : http://www.refuge-kosovo.ch/accueil.html)

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