Zone de la description |
| Dates d'existence: | 1740-1898 |
| Période d'existence: | 1740 - 1898 |
| Histoire: | A. Epigraphes
* Mercier, tanneurs de père en fils : la passion dans la peau
* De la vertu du capital travail à l'idéologie de la gestion du capital
* Le parcours fascinant de la dynastie Mercier à Lausanne, de la deuxième moitié du XVIIème au début du XXème siècle
B. Chronologie
Comprise entre les 400 ans de l'Edit de Nantes (1598-1998) et les 100 ans de la cessation de l'activité de la Tannerie de Lausanne (1898-1998). Des événements et des patrons :
1598 : Edit de Nantes promulgué par Henri IV
1740 : Fondation de l'entreprise à Lausanne. Premier patron, Pierre Mercier-Ogier
1768 : Ouverture à la bourgeoisie de Lausanne. Pierre Mercier y est reçu avec sa famille en 1773
1770 : Jean-Jacques Mercier-Déaux (J.-J. Mercier Ier) reprend la direction de la Tannerie
1827 : Jean-Jacques Mercier-Giegler (J.-J. Mercier II) devient le troisième patron de l'entreprise
1864 : Jean-Jacques Mercier-Marcel (J.-J. Mercier III) prend en main la destinée de l'entreprise familiale
1883 : Codirection avec son fils unique
1887 : Jean-Jacques Mercier-de Molin (J.-J. Mercier IV), dernier patron de la Tannerie-corroyerie Mercier de Lausanne
1889 : Grand Prix de l'exposition universelle à Paris
1898 : Cessation de l'activité de l'entreprise
C. Développement
1. De Millau à Lausanne
Née la même année que la révocation de l'Edit de Nantes (1685) par Louis XIV, Claire Boyer la protestante épouse (Jean ?)-Jacques Mercier, maître tanneur à Millau (France). Important centre de Tannerie et de mégisserie, cette ville de l'Aveyron connut un essor continu dès le Moyen Age par le travail de la peau allant de l'élevage du mouton à la ganterie de peau en passant, actuellement encore, par tout objet en cuir et accessoire de luxe.
Trois des enfants du couple Mercier-Boyer émigrèrent comme tant d'autres Huguenots en Pays de Vaud. Si l'on s'en réfère au plus ancien document du fonds de la Tannerie, ils passèrent par le Valais (Biel, Val de Conches, 1733, ACV, P Mercier 241) avantde venir s'installer à Lausanne dans le quartier industriel de la vallée du Flon.
C'est ainsi qu'en 1740 les frères Pierre, Jean et Antoine Mercier fondèrent l'entreprise dont les archives, remarquablement tenues et conservées, font l'objet de ce travail.
A Lausanne aussi, le cuir était la matière de base pour divers objets utiles aux travaux de la campagne, de l'industrie et de la fabrication des chaussures, des vêtements. Ayant une solide expérience du métier basée sur un engagement total dans le travail et un sens déjà très sélectif de la qualité du produit fini, les frères Mercier se firent rapidement connaître. Ils établirent bientôt des contacts commerciaux - achats et ventes de peaux - dépassant les limites de Lausanne. L'entreprise se développe et la correspondance recensée dès 1751 (ACV, P Mercier 1) s'étend déjà au Valais, à la Savoie, à la Suisse alémanique (Bâle, Berne, Zurich, etc.), à l'Italie (Turin, etc.) et à la France (Millau, Lyon, Annecy, Grenoble).
2. 1740:Pierre Mercier-Ogier
Le premier patron de la Tannerie Mercier à Lausanne fut Pierre (Millau, 4 juillet 1724 - Lausanne, 1777) qui épousa en 1749 Jeanne-Claudine Ogier, française née en 1718, établie à Prilly. Jean Mercier prit pour épouse Elysabeth Ogier, la soeur.
Une circonstance d'importance enracina la famille Mercier dans le terroir vaudois : l'accès à la bourgeoisie de Lausanne, en 1773. Le "Registre des naturalisations de Lausanne" (ACV, Ea 7), mentionne le compte-rendu suivant : "Sieur Pierre Mercier, natif de Millaud, en Rouergues, mégicier ou chamoiseur, reçu Bourgeois de Lausanne, a été naturalisé le 3e juin 1772 et a prêté le serment de fidélité, au château dudit Lausanne, le 11e Février 1773".
Dès lors, la famille Mercier va jouer un rôle actif dans le paysage commerçant, social et politique de la cité.
3. 1770 : Jean-Jacques Mercier-Déaux - Jean-Jacques Mercier I
Le deuxième patron de l'entreprise fut l'un des cinq enfants de Pierre : Jean-Jacques (18 janvier 1750 - 6 décembre 1827), prénommé comme son grand-père de Millau. Symbole de l'ascension de la future dynastie Mercier, l'histoire le désigne comme étant "Jean-Jacques Mercier Ier". Le 3 mai 1779, il épouse Louise-Catherine Déaux (1750-1804).
Sous sa direction, l'entreprise étend géographiquement son marché et des représentants établissent de nombreux contacts avec les pays voisins. Les textes des copies de lettres sont rédigés en français, en allemand, en italien, selon les destinataires. Les produits de la Tannerie font avec succès leur apparition dans diverses Foires dès 1762 (Aoste, Neuchâtel, Coire, Zurzach, Londres, Genève, ACV, P Mercier 1156).
Les archives recensent les premiers documents concernant les finances, tels Journal et Brouillards (dès 1785), Grands Livres (dès 1796), ainsi que les Lettres de voiture (dès 1793).
Un ancien règlement de comptes entre "Messieurs Jean Mercier, Henri Mercier et Jean-Jacques Mercier (1781) nous renseigne sur l'hoirie Mercier(ACV, P Mercier 633). On remarquera qu'il manque la correspondance du 21 juin 1798 au 24 juin 1800.
4. 1827 : Jean-Jacques Mercier-Giegler - Jean-Jacques Mercier II
Le troisième patron des Tanneries Mercier fut l'aîné des quatre enfants de Jean-Jacques Mercier-Déaux : Jean-Jacques-Pierre-Hector (27 octobre 1789 - 6 mars 1868), désigné "Jean-Jacques Mercier II".
Sa femme, Jeanne-Danielle-Elisabeth Giegler (1796-1870), dite Jenny Giegler, appartenait à une famille d'origine allemande qui tenait une librairie à Milan.
Si nous parlons dès maintenant des Tanneries Mercier, c'est que l'entreprise de Lausanne, la plus importante de la ville, a des succursales à l'étranger : Maison d'Italie (Bologne), d'Allemagne, de France (Paris). Le classement des archives se structure, se précise et fait apparaître les grands thèmes : Comptes, Fabrication, Documents commerciaux, Copies de lettres de change (dès 1802 déjà ACV, P Mercier 977), Effets et échéances (dès 1805, ACV, P Mercier 1029 à1043), Livres de paies (dès 1844, ACV, P Mercier 983 à 1005).
L'absence complète d'archives en 1837 est due à un incendie ravageur. Est-ce à la suite de ce sinistre que le patron de l'entreprise investit dans une assurance de biens immobiliers ? Les Copies de lettres indiquent les premiers courriers internationaux (France, Londres et New York , 1821-1823, ACV, P Mercier 281), Constantinople, dès 1852.
C'est l'époque du travail organisé selon le mode industriel, de la fabrication raffinée des veaux blancs cirés qui feront désormais la renommée internationale de la Manufacture Mercier.
Engagé politiquement - député libéral au Grand Conseil - et adepte de l'Eglise libre, Jean-Jacques Mercier II va jouer un rôle très important non seulement dans le développement de l'entreprise en diversifiant les actions commerciales (vins, céréales) et financières (investissements, voies de communication), mais aussi dans l'influence qu'il donnera à sa famille par rapport à la vie du Canton.
Lesarchives de la Société en commandite des Forges d'Ardon (1842-1847, ACV, P Mercier 1157 à 1162) et celles de l'Hôtel des Bains de Lavey (1835-1849, ACV, P Mercier 1196 à 1197) complètent cette période d'expansion.
5. 1864 : Jean-Jacques Mercier-Marcel - Jean-Jacques Mercier III
Le quatrième patron fut le fils aîné de Jean-Jacques II : Jean-Jacques-Pierre-François (Lausanne, 18 décembre 1826 - Nice, 30 mars 1903), nommé ici "Jean-Jacques Mercier III". L'aîné de sept enfants, il gagna sa vie d'abord dans les Tanneries d'Annonay et de Paris, puis entra dans l'affaire de famille à Lausanne aux côtés de ses quatre frères. Cette association fut dissoute en 1864 ("Journal Jean-Jacques Mercier et frères 1864", ACV, P Mercier 752) et il resta seul à diriger la Tannerie.
En 1858, il épousa Laure Marcel (1828-1894), petite-fille du célèbre chirurgien vaudois Matthias Mayor. En secondes noces, il se maria avec Léona Marchand, "Soeur Léona" (1846-1901), originaire du Jura. Diaconesseà Saint-Loup, elle devint directrice de l'Asile évangélique de Nice.
La vie et l'action de ce grand homme, principal artisan de la prospérité de la famille, sont retracées dans une notice d'Aymon de Mestral parue dans la série "Pionniers suisses de l'économie et de la technique".
Il ressort des archives une activité professionnelle efficace et débordante. Dès 1864 apparaissent des registres contenant des informations commerciales sur les entreprises (ACV, P Mercier 1163 à 1168) provenant de sources privées ou officielles (Bureau du Comptoir Eckel, Lyon, ACV, P Mercier 1164). D'autres renseignent sur les ouvriers. Statuts, loyers et comptes d'ouvriers (ACV, P Mercier 1151), assurances contre les accidents et pensions d'ouvriers (ACV, P Mercier 674), paies d'ouvriers. Une bibliothèque d'entreprise à disposition des ouvriers constituait une documentation riche et variée (ACV, P Mercier 1017). Une étonnante collection de prospectus de maisons commerciales et de machines se trouve parmi lesdocuments conservés de l'ère de Jean-Jacques Mercier III (ACV, P Mercier 1095). D'étroites collaborations avec des entreprises de produits dérivés rationalisaient la production. Par exemple, la Fabrique de couvertures de La Sarraz, 1874-1892 (ACV, P Mercier 626 à 630), ou la fabrique de chaussures Steinhäuser à Lausanne.
A l'actif de l'entrepreneur, il faut citer, entre autres réalisations urbaines, la création du funiculaire Lausanne-Ouchy (1877) qui acheminait les wagons de marchandises entre Ouchy et la vallée du Flon. Ce moyen de transport unique en Europe fonctionnait à l'aide des eaux du Lac de Bret amenées par conduites à Lausanne, d'où le nom de la société d'alors : Compagnie du Chemin de fer de Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret. Il en est souvent fait mention dans les Grands Livres (ACV, P Mercier 662, Grand Livre R, ACV, P Mercier 1047). Le Grand Livre U, volume 4 (ACV, P Mercier 672) donne un aperçu des propriétés immobilières construites et acquises. Voir aussi leGrandLivre T (ACV, P Mercier 666), amortissement, canalisation, Château d'Ouchy, Fabrique de conserves.
L'investisseur, disons plutôt le banquier Jean-Jacques Mercier-Marcel, est présent partout sur le marché international des titres, actions et obligations. Conseillé par des professionnels du droit et de la finance, il investit dans les compagnies de chemins de fer, dans les entreprises commerciales, dans les assurances.
En actif et puisant politicien, il est membre du Conseil communal de Lausanne et participe aux travaux de l'Assemblée qui, en 1883-1884, élabora la Constitution du Canton de Vaud. L'introduction du nouveau système fiscal vaudois - l'impôt progressif - le décidera à quitter Lausanne pour Rome, puis pour Nice où il s'établira définitivement.
6. 1887 : Jean-Jacques Mercier-de Molin - Jean-Jacques Mercier IV
Le cinquième et effectivement dernier patron de l'entreprise fut le fils unique du couple Mercier-Marcel : Jean-Jacques-Félix (Lausanne, 1859 - Sierre, 1932),soit"Jean-Jacques IV". De sa mère, il reçut une bonne culture générale et artistique, puis il entrepris des études scientifiques. De par son père, il s'initia au métier de tanneur en passant par tous les ateliers et voyages à plusieurs reprises en Europe et en Amérique pour les affaires.
A l'âge de vingt-deux ans, en 1881, il épousa Amélie Anne-Marie Marie-Charlotte de Molin (1859-1947). Très unis, ils eurent six enfants, dont un "Jean-Jacques V" !
Si en 1883 apparaissent les deux signatures "J.-J. Mercier, père et fils" dans la correspondance (ACV, P Mercier 558), c'est en 1887, après le départ de Lausanne de J.-J. Mercier III que le fils reprend seul la direction des Tanneries (ACV, P Mercier 770 : Journal du 1er janvier 1887). Toutefois, le père resta en contact permanent par un abondant courrier.
Jean-Jacques Mercier-de Molin entreprit un voyage de près d'une année pour une étude de marché au niveau mondial et une analyse des potentialités commerciales de la Tannerie. Lerésultat s'avéra négatif, tant le protectionnisme américain et le développement des techniques de mégisserie dans les pays de l'Est réduisirent considérablement les affaires de l'entreprise lausannoise. Lucides et courageux, Jean-Jacques Mercier père et fils décidèrent de mettre fin à l'activité de la Tannerie qui cessa de produire en 1898 (ACV, P Mercier 976 : Balance au 30 mai 1898).
Concernant les archives, il est utile de signaler qu'il manque la correspondance du 28 juin 1899 au 5 mai 1900 et que la dernière copie de lettre date du 19 août 1901 (ACV, P Mercier 625). La dernière paie d'ouvriers (temporaires) a été versée le 26 juillet 1902 (ACV, P Mercier 1003).
Jean-Jacques Mercier-de Molin est l'héritier d'une situation familiale et financière puissante, construite sur quatre générations. Actif dans la vie politique, militaire et économique, il gère avec altruisme la fortune Mercier, contribuant ainsi à perpétuer le souvenir de la dynastie par des réalisations concrètes. Il estattentif à la conservation des archives de l'entreprise et de la famille. |
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