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Histoire: | Au 19e siècle, les secours aux pauvres sont principalement dispensés par les communes d'origine (et non de domicile) de ceux-ci, ainsi que par diverses sociétés de bienfaisance. Ce système s'avère onéreux pour les communes, source d'inégalités et d'abus, finalement inefficace pour lutter contre la misère et les troubles de l'ordre social qu'elle engendre. L'évolution des esprits aboutit à la revendication de mesures telles que le remplacement de la charité publique par l'obligation légale d'assistance, la centralisation de celle-ci (ou au moins l'intervention financière de l'Etat en complément de celle des communes), la privation de la puissance paternelle à l'encontre des parents négligeant l'éducation de leurs enfants (il faut pouvoir « couper le mal à sa racine » en arrachant l'enfant à son milieu malsain).
C'est dans cette perspective que la Constitution adoptée par le peuple vaudois le 1er mars 1885 prévoit, à son art. 94, que « la loi règle ce qui concerne l'assistance des pauvres et l'éducation des enfants malheureux et abandonnés » et que le Grand Conseil vote en conséquence, le 24 août 1888, la loi sur l'assistance des pauvres et l'éducation des enfants malheureux et abandonnés. Celle-ci prévoit en particulier la création de l'Institution Cantonale en faveur de l'Enfance Malheureuse et Abandonnée (ICEMA), qui a pour missions : de prendre soin des enfants vaudois malheureux et abandonnés ; de les faire nourrir, entretenir et élever jusqu'à l'âge de 16 ans et, s'il y a lieu, jusqu'à la fin de leur apprentissage ; de les placer dans des familles honorables et qualifiées ou dans des établissements officiels ou privés, de manière à leur assurer une bonne instruction primaire et une éducation professionnelle convenable (art. 23 à 29). La loi prévoit également que l'Etat doit protéger « les enfants mineurs contre les parents dénaturés, spécialement contre ceux qui se livrent envers leurs enfants à de mauvais traitements, les excitent à mendier ou à compromettreleur moralité, ou négligent d'une manière grave les soins et l'éducation qu'ils sont tenus de leur donner » ;les autorités communales, scolaires et tutélaires, les conseils de paroisse et les pasteurs sont tenus de dénoncer les cas dont ils auraient connaissance ; finalement, après enquête et intervention du préfet, du Département de l'intérieur et du Ministère public, le juge de paix peut soustraire les enfants à l'autorité de leurs parents et déchoir ceux-ci de leur droit de garde ; il nomme des tuteurs (art. 35 à 42).
La loi est mise en oeuvre par le règlement du 15 janvier 1889 sur l'assistance et l'éducation de l'enfance malheureuse et abandonnée. Il faut préciser que l'ICEMA ne prend pas en charge tous les enfants « malheureux et abandonnés » du canton : elle s'occupe principalement de ceux soustraits à l'autorité de leurs parents par un jugement d'un tribunal ou d'une justice de paix ; elle ne prend en charge les orphelins pauvres et les enfants malheureux que si leur communed'origine n'arrive pas à les assister convenablement. Ces communes demeurent donc responsables d'une part importante des placements d'enfants. Par ailleurs, l'admission à l'ICEMA ne signifie que l'entrée dans cette organisation en termes administratifs, le placement effectif s'opérant soit dans une famille, soit dans un établissement pour enfants.
Par arrêté du 27 septembre 1888, le Conseil d'Etat crée au sein du Département de l'intérieur un Service provisoire de l'assistance et de l'éducation des enfants malheureux et abandonnés, chargé essentiellement de la gestion de l'ICEMA. Mais le 1er janvier 1890 déjà, ce service est supprimé et l'ICEMA rattachée au Service des secours publics.
La loi du 27 novembre 1916 sur la surveillance sanitaire des enfants placés hors de leur milieu familial instaure, sous la responsabilité du Service sanitaire, un meilleur contrôle de l'hygiène et des conditions sanitaires des placements, que ceux-ci soient gérés par l'ICEMA ou par une autre autorité. Le règlement d'application du 17 juillet 1917 crée la fonction d'inspectrice des enfants placés.
Le 1er janvier 1920 est créé, au sein du Département de l'intérieur, le nouveau Service de l'enfance, qui reprend notamment au Service des secours publics les missions liées à l'aide à l'enfance malheureuse et abandonnée (dont la gestion de l'ICEMA), et au Service sanitaire les tâches découlant de l'application de la loi sur la surveillance des enfants placés hors de leur milieu familial.
Après un demi-siècle d'application, la loi de 1888 sur l'assistance des pauvres et l'éducation des enfants malheureux et abandonnés est remplacée par la loi du 16 mai 1938 sur la prévoyance sociale et l'assistance publique, qui entre en vigueur le 1er janvier 1940 et qui remplace le système de l'assistance par la commune d'origine par un système d'assistance à la commune de domicile, sous le contrôle de l'autorité cantonale. A cette même date, le Service de l'enfance est supprimé et l'ICEMA dissoute (sa fortune est transférée à un Fonds cantonal en faveur de l'enfance malheureuse et abandonnée), leurs missions étant reprises par le nouveau Service de prévoyance sociale et d'assistance publique, compétent pour l'ensemble du domaine de l'assistance publique (maladie, infirmité, vieillesse, protection de l'enfance).
Par ailleurs, dans le domaine judiciaire et non plus de l'assistance sociale, la prise en charge de la délinquance des mineurs était encore embryonnaire au début des années 1930, malgré des débats récurrents sur la question depuis le milieu du 19e siècle. Le nouveau code pénal vaudois du 17 novembre 1931 et la loi du 9 mai 1932 organisant le régime provisoire applicable aux délinquants mineurs (tous deux entrés en vigueur le 1er juillet 1932), prévoient enfin un régime spécial pour les enfants (8-14 ans) et les adolescents (15-17 ans) : ils sont en principe « renvoyés au Conseil d'Etat », qui décide de la mesure à prendre à leur égard (de l'admonestation à l'internement, en passant par le placement dans une famille ou dans une maison d'éducation) ; dans les cas graves cependant, le tribunal applique le régime ordinaire.
Ce système est complété par la loi du 29 août 1934 organisant un Secrétariat pour la protection des mineurs (SPM). Celui-ci, rattaché au Service de police et pénitentiaire (soit au Département de justice et police), effectue une enquête sur tout mineur de moins de 18 ans renvoyé au Conseil d'Etat, évaluant en particulier sa santé, son caractère, son travail scolaire ou professionnel, son milieu et l'aptitude de ses parents à assurer son éducation. Une fois la mesure prononcée par le Conseil d'Etat, le SPM assure et contrôle son exécution, notamment en plaçant le mineur dans une famille et en supervisant ce placement, ou en suivant le mineur placé en maison d'éducation. En fonction de l'évolution de l'intéressé, le SPM peut proposer la modification ou la suspension dela mesure. Enfin, le SPM a aussi pour tâche de fournir aux autorités, parents ou tuteurs qui le consultent des conseils sur les mesures à prendre.
La loi du 3 décembre 1940 sur la juridiction pénale des mineurs, qui entre en vigueur le 1er janvier 1942, en même temps que le code pénal suisse unifié, crée la Chambre pénale des mineurs (dès 1957 : Chambre des mineurs ; dès 1973 : Tribunal des mineurs), juridiction spécialisée qui soustrait entièrement les mineurs à la procédure pénale ordinaire. Elle assure l'instruction et le jugement de la cause, en tenant compte en premier lieu de « l'intérêt éducatif du mineur » (art. 14). Parmi les mesures à sa disposition figurent en particulier la surveillance de l'éducation du mineur laissé dans sa propre famille, la remise à une famille digne de confiance, le placement dans un établissement d'éducation et la détention jusqu'à un an.
La Chambre pénale des mineurs dispose en outre d'un droit de regard sur l'exécution des sentences, confiée au nouvel Office cantonal des mineurs (OCM), successeur au 1erjanvier 1942 du SPM et toujours rattaché au Département de justice et police, Service de la protection pénale. L'OCM, organisé par l'arrêté du 23 décembre 1941 sur l'Office cantonal des mineurs, a également des fonctions de prévention, de conseil et de coordination des mesures publiques et privées en faveur des mineurs. Il collabore étroitement avec le nouvel Office médico-pédagogique vaudois (OMPV), aussi créé en 1942 et rattaché au Service de la protection pénale, ainsi qu'avec le Service de prévoyance sociale et d'assistance publique (Département de l'intérieur). Enfin, en 1946, est créée encore une autre instance intervenant notamment dans le domaine de la protection de l'enfance : l'Office du tuteur général, intégré à l'Ordre judiciaire, destiné à prendre en charge les cas de tutelles lourds ou complexes, afin de soulager les tuteurs ou curateurs privés; il s'occupe en particulier des cas de recherche en paternité.
Le 12 mai 1947 est adoptée une nouvelle loi sur la prévoyancesociale et l'assistance publique, qui n'entraîne cependant aucune modification importante en matière de protection de l'enfance. En 1948, le Service de prévoyance sociale et d'assistance publique modifie son organisation interne, créant un Bureau I dévolu aux questions d'assistance et un Bureau II consacré à la protection de l'enfance (généralement désigné « Bureau de l'enfance »).
Le 1er janvier 1957, l'ensemble des compétences liées à la protection de l'enfance est rassemblé au Département de l'intérieur, dans un Service de l'enfance recréé. Celui-ci reprend les missions du Bureau de l'enfance (détaché du Service de prévoyance sociale et d'assistance publique) et hérite des compétences de l'OCM, qui est supprimé. Lui sont également rattachés deux offices en provenance du Service de la protection pénale : l'OMPV et la Maison d'éducation de Vennes (appelée jusqu'en 1942 Ecole de réforme des Croisettes, c'est alors un établissement recevant des adolescents condamnés par la Chambre pénale des mineurs ou placés par d'autres autorités).
Le 1er avril 1970 entre en vigueur une importante réorganisation des départements, marquée en particulier par la création du nouveau Département de la prévoyance sociale et des assurances (DPSA), auquel est rattaché le Service de protection dela jeunesse (SPJ), nouvelle dénomination de l'ex-Service de l'enfance prenant en compte le fait que cette entité s'occupe non seulement d'enfants mais aussi d'adolescents et même de jeunes adultes jusqu'à 20 ans. La Maison d'éducation de Vennes demeure au sein du SPJ, par contre l'OMPV en est détaché et intègre le Service de la santé publique, au Département de l'intérieur et de la santé publique.
Un tournant législatif a lieu en 1977 et 1978, avec l'abrogation de la loi sur la prévoyance sociale et l'assistance publique et son remplacement par deux lois distinctes : la loi du 25 mai 1977 sur la prévoyance et l'aide sociales d'une part, la loi du 29 novembre 1978 sur la protection de la jeunesse d'autre part. Celle-ci consacre l'abandon de principe de la politique des placements autoritaires et met l'accent sur la prévention, le dépistage précoce des difficultés, la collaboration avec les parents, l'individualisation des mesures, la qualification des intervenants.
En avril 1998, dans le cadre d'une nouvelle réorganisation des départements, le SPJ quitte son département « social » pour rejoindre le nouveau Département de la formation et de la jeunesse (DFJ). En 2003, il se réorganise et crée un Office de surveillance des structures d'accueil ainsi que quatre Offices régionaux de protection des mineurs, implantés selon les mêmes critères géographiques que l'Ordre judiciaire, leur principal partenaire. La même année, l'ancienne Maison d'éducation de Vennes, devenue en 1987 Centre d'orientation et de formation professionnelles (COFOP) est détachée du SPJ pour être intégrée au Service de l'enseignement secondaire supérieur, de la transition et de l'insertion (SESSTI), qui deviendra peu après la Direction générale de l'enseignement postobligatoire (DGEP).
Au niveau législatif, la loi de 1978 sur la protection de la jeunesse est remplacée par la loi du 4 mai 2004 sur la protection des mineurs, qui organise notamment une nouvelle politique des signalements, les personnes en relation avec des mineurs dans l'exercice d'une profession, d'une charge ou d'une fonction étant désormais astreintes à une obligation de signaler les situations de mise en danger du développement d'un mineur dont elles auraient connaissance. La loi du 20 juin 2006 sur l'accueil de jour des enfants et la loi du 27 avril 2010 sur le soutien aux activités de jeunesse viennent compléter les instruments législatifs à disposition du SPJ. |
Organisation interne: | Rattachement administratif: Département de la prévoyance sociale et des assurances, Département de la prévoyance sociale et des assurances |
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