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Histoire: | Né en 1909, Alfred Breguet décéda en 1986. Il eut 2 enfants, Georges et Anne, de sa femme Elisabeth. Originaire du canton de Neuchâtel, il aurait un lien de parenté avec le célèbre horloger Abram-Louis Breguet (1747-1823).
"Commentaires et souvenirs de mes années d'employé au bureau d'ingénieur Alfred Breguet (Ulrich Kohler, né le 17 juin 1940, Yverdon-les-Bains, 15 octobre 2007). J'y ai fait mon apprentissage de dessinateur en génie civil (béton armé) du 1er octobre 1957 au 30 septembre 1960 au bureau qui se trouvait à la Rue Neuve 3. Le début de mon apprentissage coïncidait avec la fin de la construction de l'Ecole de Médecine de Lausanne. J'ai travaillé comme dessinateur de 1964 à 1967 au bureau de la Rue Enning puis à celui de la Rue de l'Ale. J'ai connu et visité trois de ses domiciles : à Jouxtens-Mézery, à la rue du Valentin et à la Cité-Derrière à Lausanne. Il était originaire des Geneveys s/Coffrane. Il avait épousé Elisabeth et ils avaient eu trois enfants : Alain (décédé accidentellement avec trois autres cinéastes en Côte-d'Ivoire au début des années 60), Anne et Georges. Il a fait ses études d'ingénieur civil à l'Ecole Polytechnique de Zurich. Il a développé et fait connaître en Suisse "la méthode de Cross" pour le calcul statique des dalles. C'était un passionné de littérature. Pour ses collègues d'études francophones, il a traduit de l'allemand les premières nouvelles de Franz Kafka. Sa bibliothèque était très impressionnante et éclectique. Dans sa pièce de l'appartement de la rue du Valentin, elle recouvrait entièrement tous les murs. Grand amateur de beaux livres, il recevait régulièrement des livraisons du Cercle du Livre Précieux de Paris. Il a connu personnellement Paul Klee dont il possédait une peinture que j'ai vue plusieurs fois dans ses appartements. Il était passionné très éclectique de musique classique et possédait une très grande collection de disques. C'était un grand fumeur de gauloises et buveur de cafés. Alfred Breguet travaillait tous les matins au bureau, contrôlait les calculs d'ingénieurs, les plans, dictait du courrier et disparaissait toujours l'après-midi : pour traiter des affaires, pensions-nous. J'ai découvert accidentellement que certains après-midi, il les passait dans un petit bar à café, à lire, à boire du café, à alterner une cigarette avec une Aspirine. Dans son bureau de la Rue Neuve, je me souviens des personnes suivantes : Peter Eggimann, ingénieur-technicien et chef du bureau; Jean-François Troger, apprenti de dernière année; Peter Zuber, dessinateur. Au bureau de la Rue de l'Ale, j'ai connu des stagiaires ingénieurs : Serge Frochaux, Horst Gatto (autrichien), Eric Brand. Jean-François Troger (devenu ingénieur-technicien après quatre années de cours du soir) et Serge Frochaux ont créé leur propre bureau d'ingénieurs à Morges et sont décédés avec cinq de leurs collègues dans un accident d'avion près de Bordeaux en novembre 1996. En 1963 (1964 ?), de retour d'une expédition à la montagne, il a été victime d'une grave hémorragie cérébrale, suivie d'une longue hospitalisation à Lausanne. Il y a retrouvé progressivement et lentement certaines fonctions mais son discours était rare et incohérent. Sa femme, qui le visitait chaque jour, avait fini par décoder certaines de ses phrases. Un médecin a eu l'idée géniale de créer un choc émotionnel en lui faisant écouter plusieurs fois de suite, dans sa chambre d'hôpital, une musique qu'il aimait particulièrement : un concerto pour piano de Beethoven (l'Empereur ?) qu'il avait entendu en concert avec celle qui allait devenir sa femme. Ses premiers mots cohérents furent "concerto. concerto. Beethoven.". Puis tout s'est enchaîné très vite : les connexions neuronales se sont rétablies incroyablement vite ! Ressuscité, sa première lecture fut celle des "Mots" de J.-P. Sartre. Il resta handicapé le restant de sa vie avec une jambe à demi paralysée et ne put se déplacer qu'avec une canne. Agacé par l'obligation de faire des heures supplémentaires (mal payées.), je m'étais plaint vertement un samedi après-midi : "qu'il y avait mieux à faire que de plancher dans un bureau, qu'à l'Opéra de Paris on allait y jouer la première française du Wozzek d'Alban Berg, que dans la même semaine Béjart et Bouloz donnaient la Sacre du Printemps, les Noces et Renard et que ces spectacles, avec les moyens dont nous disposions". Quinze jours plus tard, Alfred Breguet me convoquait dans son bureau et m'annonçait qu'il avait réservé les places pour Wozzek et pour les Stravinsky. et des chambres d'hôtel pour toute une semaine. C'est ainsi qu'Alfred Breguet, sa femme, ma deux-chevaux et moi passâmes une semaine de rêve à Paris. Il avait toutes les indulgences pour mes frasques musicales. Plus tard, chroniqueur musical pour un journal lausannois, j'ai eu l'occasion de l'inviter de nombreuses fois aux concerts pour lesquels j'avais toujours une deuxième place. Handicapé, il appréciait beaucoup ces occasions de "sortir" : j'allais le chercher devant son domicile et l'y ramenais : ses commentaires qu'il me faisait avec sa voix très aiguë étaient toujours pertinents et témoignaient d'une très grande culture". |
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