Cardis (Fernand)

 

Données de base

IdentifiantCardis (Fernand)
 

Infos de prov.

Zone d'identification

Type d'entité:Personne
Forme(s) autorisée(s) du nom:Cardis (Fernand)

Zone de la description

Dates d'existence:1898-1990
Période d'existence:1898 - 1990
Histoire:Fernand Cardis est né à Lausanne le 7 novembre 1898, benjamin de 9 enfants. Son père, Jules Cardis, voit le jour à Vers-l’Eglise en 1855. Le père de Jules, Gaëtan Cardis, italien du Nord d’origine grecque, est arrivé dans la vallée des Ormonts vers 1850. Dans le livre « La vallée des Ormonts – Ormont Dessus », il est mentionné comme le fameux maçon de la chapelle de l’Eglise libre aux Jeans en 1852. Avec le charpentier Christian Perreten de Lauenen, il a construit en 1856 le premier « Grand Hôtel des Diablerets », qu’ils ont ainsi nommé d’après le massif des Diablerets. On lui doit encore en 1870 la première route qui relie le Rosex au village des Diablerets (c’est le nouveau nom du hameau « le Plan des Isles » proposé par la poste pour éviter la confusion avec le Plan sur Bex) et en 1873 la maison de Commune de Vers-l’Eglise.

Jules Cardis avait épousé Marie-Louise-Anne Buffat, née à Aigle également en 1855. Le couple eut rapidement plusieurs enfants : cinq garçons et une fille. Lui, instituteur à Ollon, s’installe avec toute sa famille à Lausanne. En 1893, alors qu’est né un sixième garçon, il est appelé sous les drapeaux de son pays, l’Italie. Pour éviter d’abandonner sa grande famille, il demande la nationalité suisse et obtient la bourgeoisie de Lausanne pour toute la famille. Leur naissent encore deux petits suisses, une fille et un garçon Fernand. En 1901, ce jeune papa de 46 ans décède. Fernand a 2 ans et demi, sa sœur Berthe 5 ans, les 4 aînés, entre 19 et 22 ans, sont déjà en formation professionnelle ; la maman tient alors une pension pour étudiants dans la maison familiale, rue du Maupas. C’est là que le cinquième enfant, Robert, va rencontrer Olga Swerchkof, jeune Russe que ses parents ont envoyée à l’abri en Suisse pour échapper au soulèvement de Moscou en 1907, prémisses de la révolution. En 1912, quand la mère de famille décède de tuberculose, Fernand, 14 ans, en est durement affecté ; il est recueilli par le couple de Robert et Olga et leur petite de 4 ans. Sa belle-sœur s’occupe de lui avec la plus grande gentillesse et lui fait répéter ses leçons; il peut donc poursuivre ses classes au collège, puis au gymnase classique, où il profite de la grande érudition de Charles Gilliard, son professeur d’histoire. Il s’y fait des amis, qu’il gardera toute sa vie : ainsi Edmond-Henri Crisinel, André Demierre, Alfred Wild, Simon, Prod’hom, Rubatel, Rochat, Philippe Rossier, etc.
Déjà très intéressé aussi bien à la peinture qu’à la musique et à la poésie, il fréquente les musées, les bibliothèques, ainsi que les expositions et les concerts malgré ses maigres ressources financières.

Muni de son baccalauréat mention latin-grec, intéressé autant par les sciences que par l’humain, il s’inscrit à la Faculté de médecine de Lausanne. En 1918, alors qu’il passe son premier propédeutique, la Première guerre mondiale se termine avec une épidémie de grippe qui emporte son frère Victor à 28 ans ; lui-même s’en guérit. Hélas, deux ans plus tard, nouveau deuil : son frère Marius, qui avait monté une entreprise à Lindau (D) se suicide à 39 ans ; Fernand, profondément frappé, quitte Lausanne pour poursuivre sa médecine à Bâle, où son frère Aymon fait un stage dans une banque. Tous deux sont reçus dans la famille F. & L. Zurcher, à laquelle ils sont apparentés par alliance ; Fernand, 22 ans, y rencontre Jeanne, 15 ans - sa future épouse. Après son second propédeutique, Fernand se rend à Berlin pour ses semestres de clinique ; à côté de ses stages il y profite beaucoup de la vie culturelle. De retour à Lausanne, il se fiance et passe ses examens finaux en juillet 1924. Grâce à l’intervention du Prof. Dr Louis Michaud, qui partage son vif intérêt pour la peinture, une place d’assistant chez le Professeur Max Askanazy l’attend à Genève à la reprise d’automne.
Dans l’intervalle, le Dr Georges Rossel lui offre un stage de 2 mois dans son sanatorium à Leysin, réputé depuis le début du siècle pour le traitement de la tuberculose, grâce à l’héliothérapie. Il s’y familiarise avec les soins aux tuberculeux et descend assister au Congrès international contre la tuberculose à Lausanne. A cette occasion il fait la connaissance de nouveaux confrères : avec A. Giraud et André Bernou débute une collaboration étroite et passionnante.
Le 1er octobre il commence son assistanat à l’Institut d’anatomie pathologique à Genève chez le Prof. Max Askanazy, par lequel il est rapidement nommé chef des travaux ; misérablement logé et surchargé par les nombreux travaux de dissection, il finit par attraper la tuberculose.
Fernand Cardis remonte se soigner à Leysin au sanatorium Le Mont-Blanc, il y retrouve André Bernou et se lie d’amitié avec d’autres jeunes médecins français dont P. Chadourne et H. d’Hour, malades comme lui ; ensemble ils décident de se spécialiser dans les maladies pulmonaires. A l’époque la tuberculose était encore une maladie tragique et redoutable qui frappait sans merci le corps médical.

Guéri au bout de 9 mois, le 2 juin 1926, Fernand Cardis se marie avec Jeanne Zurcher, avec laquelle il avait entretenu une correspondance tendre et soutenue. Le jeune couple s’installe pour quelques semaines au sanatorium Les Chamois, où il occupe un poste d’assistant, puis déménage à la villa La Clairière, non loin du sanatorium Les Alpes vaudoises dont il devient médecin adjoint. En 1929 naît leur premier fils, Yves Raymond, suivi en 1931 de sa sœur Jeanne-Marie et en 1934 de François, fils cadet. En fin d’année la famille élargie s’installe à la villa Belvédère, tout à côté du sanatorium Belvédère, dont le Dr Fernand Cardis, a été nommé médecin-chef. Son activité médicale, les soins aux malades et la recherche, n’empêche pas une vie familiale et sociale très animée. Il amène une contribution significative à la vie culturelle très riche de Leysin (concerts, conférences, expositions, etc. ; à côté des activités sportives), dont les hôtes (malades, soignants et employés) viennent de partout. En 1938, devant l’annonce d’une nouvelle naissance se pointant à l’horizon, Fernand Cardis acquiert une charmante villa au bord du lac Léman, à Buchillon, et le 3 juin pour leur douzième anniversaire de mariage naît Jacqueline leur quatrième enfant ; la fratrie comporte donc deux garçons et deux filles. Les grands-parents maternels, les parrains et marraines et de nombreux amis gravitent autour de cette famille heureuse.
Mais de lourds nuages se sont amassés dans le ciel de l’Europe. Alors que Fernand vient d’installer sa famille et d’ouvrir son cabinet à Lausanne, en septembre 1939 la Seconde Guerre mondiale éclate. Pour mettre les siens à l’abri, il prend quartier à Buchillon, où les aînés vont à l’école du village. Pendant la guerre s’intercalent des périodes de mobilisation. Dans la consultation du Dr F. Cardis la clientèle est abondante ; comme il constate la fréquence des primo-infections chez ses malades, il consacre du temps à des recherches sur l’épidémiologie et la prophylaxie de la tuberculose et se fait le champion convaincu de la vaccination au BCG. Parallèlement dès 1941 le Dr F. Cardis est responsable de l’hospitalisation à Leysin, dont il restera le patron de la phtisiologie pendant de nombreuses années. Dans la mesure du possible, il poursuit des échanges scientifiques avec ses confrères et amis français.

Engagé au service de ses confrères, le Dr F. Cardis assure le secrétariat de la Société vaudoise de médecine pendant quatre ans, puis la préside pendant deux ans. Il est également président-fondateur du Fonds de recherche sur les lymphomes malins, collabore très activement au dispensaire antituberculeux et à la policlinique médicale de Lausanne.
Ses nombreuses publications, son talent pédagogique, la rigueur et la clarté de son raisonnement se trouveront consacrés en 1952 par sa nomination au poste de chargé de cours de phtisiologie à la faculté de médecine, puis en 1962 sa nomination de professeur associé à l’Université de Lausanne et depuis 1977 professeur honoraire.
En 1958, le Dr F. Cardis était élu membre correspondant de l’Académie de médecine de Paris, rejoignant ainsi ses amis Etienne Bernard et Edouard Rist, grands patrons des hôpitaux et membres de la Société médicale des hôpitaux de Paris. Il était aussi membre fondateur de l’Association Internationale pour l’étude des maladies des bronches.
Au fil des années, nombre de jeunes médecins français étaient venus lui confier leur santé chancelante; certains avaient eu le privilège de bénéficier de sa grande expérience, découvrant en lui un maître qui avait profondément marqué leur formation et leur orientation professionnelle.
Ses confrères comme ses malades trouvaient toujours en lui un médecin aussi vigilant que compréhensif, bien plus, beaucoup d’entre eux s’en faisaient un ami profondément dévoué, car le respect de la personne humaine l’emportait chez lui sur la curiosité de l’homme de sciences. Confronté à cette maladie mortelle qu’était la tuberculose, grâce à son ancrage profond dans la foi chrétienne, il savait soutenir l’espérance de vie de ses malades.

En dehors de sa carrière médicale, Fernand Cardis a développé une importante activité dans le domaine des arts et de la pensée. Il a été l’ami et souvent le soutien de nombreux artistes, peintres, musiciens, poètes, hommes de lettres et théologiens.
Lors du colloque médical organisé à l’occasion de son soixantième anniversaire, l’un de ses confrères termine son hommage en ajoutant : « Pour esquisser le portrait de Fernand Cardis, il faudrait souligner, parmi les aspects si divers de sa personnalité, sa vaste érudition, sa connaissance des arts, son goût des lettres et son amour de la musique qui font de lui un « honnête homme » dans toute l’acception du terme. Cependant son portrait resterait incomplet si l’on omettait d’évoquer le sentiment religieux profond qui l’habite et ne cesse de le guider » (Revue suisse de la tuberculose, vol.16, No1, 1959).

En 1942, au plus sombre de la guerre, la population ressent un profond besoin de musique. Edouard Moser, responsable des émissions musicales de la Radio romande, pour laquelle joue le violoniste Victor Desarzens, discerne sa valeur exceptionnelle ; soutenant son désir de contact direct avec le public il l’adresse au professeur Marc Amsler, alors président de la Société des concerts de la Cathédrale et du Quatuor de Lausanne; ce dernier, déjà trop chargé lui dit : « Allez voir Cardis ». Celui-ci, mélomane enthousiaste, réunit un petit comité. Il est encouragé et assisté dans cette entreprise par Gustave Doret, Marcel Bezençon, René Auberjonois, Charles-Albert Cingria, Charles Clément, Casimir Reymond, le professeur Pautrier, le syndic Jean Peitrequin, Paul Piguet, Albert Mermoud, Emmanuel Faillettaz, en vue de fonder « l’Orchestre de Chambre de Lausanne », cela après avoir consulté et reçu l’encouragement d’Ernest Ansermet, alors chef de l’Orchestre de la Suisse romande.

Le Dr Fernand Cardis est donc le Président-fondateur de l’OCL (à ce titre il a dû beaucoup se démener pour obtenir des subsides). Le 10 novembre 1942, l’OCL donne son premier concert public à la Maison du Peuple ; consacré exclusivement à des œuvres de J.-S. Bach, il remporte un immense succès. Suivent en 1943 trois concerts par abonnement. Et ainsi de suite. En 1948 le Dr F. Cardis remet la présidence administrative de l’OCL à Charles Veillon, tout en continuant à assurer la présidence de la commission musicale jusqu’en 1973.
Ainsi en musique, les pianistes Vlado Perlemuter et Clara Haskil, parmi les merveilleux artistes rencontrés à l’époque de Leysin, et par la suite Alfred Cortot ont été de ses amis ; il s’est particulièrement engagé pour Victor Desarzens jusqu’à la fin de sa carrière de chef de l’OCL, a soutenu Constantin Regamey jusqu’à son dernier jour, encouragé beaucoup d’autres musiciens. Nombre d’entre eux ont été reçus en famille.
En peinture, dès les premiers temps Fernand Cardis a suivi la carrière de Félix Vallotton. Le « nu sur fond bleu » faisait partie de ses modestes bagages d’étudiant à Bâle, puis à Berlin. Il avait une mémoire extraordinaire des chefs-d’œuvre découverts dans les musées qu’il fréquentait. Il a été l’ami très proche de Charles Clément, d’Alice Bally et de Wilhelm Gimmi pour lesquels il a créé des fondations. C’était un familier d’Auberjonois, de Chinet, de Bosshard, d’Hermenjat, de Poncet, puis de Jacques Berger et Jean Lecoultre.
En sculpture il a soutenu Jean Clerc, Casimir Reymond et Jacques Barman.
En littérature il a collectionné les écrits de C.-F. Ramuz en éditions originales dès ses premières publications ; de même pour C.-F. Landry, qu’il a beaucoup accompagné ; c’était aussi l’ami de toujours d’Edmond-Henri Crisinel. Il a bien connu Pierre-Louis Matthey et Gustave Roud ; il était du comité de lecture pour le prix de la fondation Charles Veillon.
Lecteur infatigable à la fois en littérature et en théologie, il a constitué une bibliothèque importante. Soucieux de partager et fidèle à ses ancêtres sur le tard, il a fait don de son importante bibliothèque théologique à la paroisse d'Ormont-Dessus, qui avait été celle de son grand-père et où il avait acquis un chalet. D’un fichier de près de 4000 livres, un choix de 680 ouvrages a été offert au Fonds des lettres romandes, modeste mais précieuse contribution au patrimoine culturel romand. Choix selon des critères bibliophiliques et historiques fait avec la collaboration de Doris Jakubec, directrice du Centre de recherche sur les lettres romandes ; collection d’une valeur marchande d’environ 100`000 francs selon l’estimation de Roger-Jean Ségalat.

En théologie, animé d’une foi très profonde, lecteur assidu de la Bible, très marqué par la pensée de Karl Barth, il était préoccupé des problèmes fondamentaux aussi bien que de l’actualité : en particulier il s’est investi pour la paix dans l’Irlande déchirée par la guerre entre catholiques et protestants, allant jusqu’à en rencontrer les responsables ecclésiastiques. Il discutait beaucoup avec ses nombreux amis pasteurs et rédigeait des méditations, parfois des articles de journaux. Très sensible à l’expression artistique de la foi en peinture (appréciant aussi les vitraux) comme en musique et en poésie, il a été particulièrement lié au pasteur et poète Edmond Jeanneret, d’une merveilleuse richesse spirituelle.

Sa carrière, si brillante et diverse, n'aurait pas pu se développer sans la collaboration aimante et infatigable de son épouse. Il laisse à ses tout proches un héritage culturel et spirituel très marquant.

Fernand Cardis meurt le 18 août 1990.
(Biographie fondée sur la notice rédigée en février 2018 par Jacqueline Rutgers-Cardis, fille cadette de Fernand Cardis)

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